Consultation prébudgétaire fédérale pour 2012

Mémoire présenté conjointement au Comité permanent des finances de la Chambre des communes par la Canadian Actor’s Equity Association, la Fédération canadienne des musiciens et l’Alliance internationale des employés de la scène et des projectionnistes des États-Unis et du Canada.

                   

La Canadian Actor’s Equity Association, la Fédération canadienne des musiciens et l’Alliance internationale des employés de la scène et des projectionnistes des États-Unis et du Canada présentent conjointement ce mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes à l’occasion de ses consultations prébudgétaires.

QUI SOMMES-NOUS?

La Canadian Actor’s Equity Association est l’organe d’expression des artistes professionnels qui donnent des spectacles au Canada anglais. Ce regroupement national représente plus de 6 000 artistes qui œuvrent dans les domaines du théâtre, de l’opéra et de la danse d’un océan à l’autre. Nos membres incluent des artistes de scène, des réalisateurs, des chorégraphes, des organisateurs de combats et des régisseurs. Ce regroupement appuie les efforts créatifs de ses membres en cherchant à améliorer leurs conditions de travail et leurs possibilités d’action. Sa tâche consiste à négocier et à gérer pour eux les conventions collectives, à leur fournir des régimes d’avantages sociaux, des informations et un soutien, et à défendre leurs intérêts.

La Fédération canadienne des musiciens (FCM), qui regroupe plus de 17 000 membres d’un océan à l’autre, est la principale organisation au Canada chargée de représenter les intérêts des musiciens professionnels. Qu'il s'agisse de négocier des ententes raisonnables pour ses membres, de protéger les droits de propriété sur la musique enregistrée, d'obtenir des avantages comme des soins de santé et des régimes de pensions ou de faire des pressions auprès des législateurs, la FCM s'emploie à améliorer les normes dans l'industrie, afin que les musiciens professionnels se retrouvent à l'avant-plan dans le domaine culturel.

L’Alliance internationale des employés de la scène et des projectionnistes des États‑Unis et du Canada (IATSE), fondée en 1898 au Canada, représente actuellement plus de 110 000 membres dans ces deux pays, ce qui en fait le plus grand syndicat dans l’industrie du spectacle. Ses membres exercent divers métiers, surtout au théâtre, en cinéma et en production télévisuelle : mentionnons entre autres des décorateurs, concepteurs sonores, éclairagistes, échafaudeurs, manipulateurs de décors, menuisiers, artistes de la scène, techniciens en audiovisuel, électriciens, costumiers, maquilleurs et coiffeurs, techniciens du son, techniciens en effets spéciaux et employés de salle tels que placiers, préposés au guichet, portiers et préposés à l’entretien.

UN MOTEUR DE L’ÉCONOMIE CRÉATIVE

Dans son rapport d’août 2008 intitulé « Valoriser notre culture : mesurer et comprendre l’économie créative du Canada », le Conference Board du Canada évaluait en 2007 à 84,6 milliards de dollars, soit 7,4 p. 100 du PIB total réel du Canada, l’apport économique du secteur culturel. En 2007, le nombre d’emplois dans le secteur des arts et de la culture dépassait 1,1 million. Ces statistiques se comparent aux données sur l’emploi dans les industries de l’énergie, de la foresterie, des minéraux et de la métallurgie selon les rapports de Ressources naturelles Canada, preuve de l’importance croissante que revêt le secteur de la création dans la vitalité économique globale de notre pays.

Preuve supplémentaire de l’ampleur de cette croissance, d’après les plus récentes données de Statistique Canada disponibles (2005), 41 p. 100 des Canadiens âgés de 15 ans ou plus (10,76 millions de personnes) avaient cette année‑là assisté à un concert ou à un spectacle de musique, de danse, de théâtre ou d’opéra. De tels chiffres soulignent la place majeure occupée par les arts et la culture dans la vie des citoyens.

Il suffit de prendre en exemple le renouveau culturel à Toronto pour mesurer les retombées des investissements dans l’industrie culturelle. En plus de bénéficier directement au secteur culturel, l’injection sans précédent de capitaux dans les principales institutions culturelles torontoises a contribué à stimuler de nombreuses industries connexes. La vitalité financière de certaines localités dans l’ensemble du Canada dépend directement des investissements en arts et en culture. Les fonds investis dans les arts et la culture sont de l’argent bien dépensé. C’est vrai dans tous les cas, que les investissements profitent à la Compagnie d’opéra canadienne, au théâtre régional de la vallée de Cowichan, au théâtre Neptune ou au théâtre du Nouveau Monde. Chaque dollar dépensé aide les citoyens des régions à exprimer leur identité culturelle propre, et vient stimuler l’économie locale.

Les problèmes que nous évoquons ne se limitent pas à une question de chiffres; cela concerne aussi notre identité nationale. Les manifestations artistiques et culturelles sont une des meilleures façons d’exprimer nos valeurs aux Canadiens et au reste du monde. Le Canada, un des principaux pays à l’origine de l’établissement et de la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, reflète avec fierté la dualité de ce secteur, aux plans économique et social.

Mais malgré ce bilan remarquable, le secteur des arts de la scène demeure confronté à plusieurs problèmes. La crise économique mondiale a obligé plusieurs entreprises à revoir leurs dépenses de commandite dans le domaine, ce qui a affecté grandement la santé financière d’une foule de producteurs de spectacles et de troupes théâtrales partout au pays. En outre, les tournées des compagnies théâtrales canadiennes étant déficitaires, dans beaucoup de marchés secondaires, les gens n’ont pas l’occasion de voir de bonnes pièces de théâtre.

Vu les difficultés auxquelles sont confrontés le secteur manufacturier et celui de la production, les investissements dans les arts et la culture peuvent générer des retombées appréciables à la fois pour les entreprises culturelles, les citoyens en général et le gouvernement grâce à des recettes fiscales supplémentaires.

RECOMMANDATION POUR LE BUDGET DE 2012

Nous recommandons au gouvernement fédéral d’établir un programme de crédit d’impôt s’appliquant à l’industrie du spectacle (y compris le théâtre, la danse et l’opéra) semblable à celui qui sert déjà à stimuler la production cinématographique et télévisuelle.

JUSTIFICATION

Les programmes de crédits d’impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique ou pour les services de production de films/vidéos étrangers ont aidé dans une large mesure à promouvoir et à développer l’industrie canadienne du cinéma et de la télévision. Ces crédits d’impôt sont accordés en fonction des frais de main‑d’œuvre quantifiables, et il existe des mécanismes pour contrôler leur application. Et ils vont de pair avec d’autres formes d’assistance financière comme le Fonds canadien de télévision, si bien qu’un crédit d’impôt applicable aux spectacles serait compatible avec d’autres moyens de financement comme le Conseil des Arts du Canada. L’administration de ces programmes est peu coûteuse, de sorte que l’adoption éventuelle d’un crédit d’impôt semblable pour les arts de la scène ne devrait pas occasionner au gouvernement de frais d’administration importants, ni impliquer l’ajout de superstructures inutiles. 

Aux États-Unis, l’État de la Louisiane offre depuis 2007 un crédit d’impôt pour les arts de la scène, et celui de l’Illinois a adopté un projet de loi dans le même sens en mai 2011. Les deux mesures ont eu un impact négatif sur les domaines du divertissement et de la culture au Canada, et ont touché plus particulièrement l’industrie du théâtre du Sud de l’Ontario.

Le crédit d’impôt accordé pour la production cinématographique ou magnétoscopique ayant donné de bons résultats, les gouvernements du Québec et de l’Ontario ont récemment augmenté le taux applicable dans le cadre de leurs programmes de crédits d’impôt afin d’attirer des productions malgré la hausse du dollar canadien. 

À notre avis, l’établissement d’un crédit d’impôt pour les arts de la scène contribuerait directement à stimuler la production de spectacles théâtraux au Canada, y compris ceux à grande échelle du style Broadway. Les coûts de montage, de fonctionnement et de tournée de ces productions à grande échelle sont considérables, mais ils procurent des emplois durables et bien rémunérés à des centaines de nos membres. En plus de garantir des emplois stables dans nos principales villes, un crédit d’impôt sur la main‑d’œuvre profiterait aux petites localités en soutenant des emplois en tourisme. Par ailleurs, des conversations entamées avec d’importants producteurs de Broadway indiquent qu’ils s’intéressent beaucoup à effectuer des productions théâtrales à grand déploiement au Canada. La création de mesures incitatives comme un crédit d’impôt permettrait sans

Le gouvernement fédéral a admis la nécessité au plan culturel d’investir dans l’industrie cinématographique et télévisuelle, et reconnu que ces investissements sont bénéfiques pour l’économie. Mais les entreprises cinématographiques et télévisuelles ne sont pas le seul secteur artistique qui génère des retombées économiques. En août 2006, le Conseil pour le monde des affaires et des arts du Canada a publié un rapport intitulé « A strategic and economic business case for investment in the arts in Canada », contenant les observations et les conclusions suivantes :

  1. Les investissements publics dans les arts de la scène entraînent des retombées équivalant aux montants investis par des entreprises privées, et donnent lieu à un taux de rendement de 200 p. 100, et ce, uniquement par rapport aux retombées directes.
  2. Le taux de rendement est plus de huit

La conjoncture économique actuelle offre au gouvernement fédéral l’occasion de faire des investissements profitables dans le domaine des arts de la scène qui contribueraient à améliorer la culture canadienne tout en stimulant l’économie des principaux pôles culturels et des localités régionales dans l’ensemble du Canada.

REMARQUES FINALES

Les représentants du monde du spectacle souhaitent collaborer avec les fonctionnaires fédéraux pour l’élaboration d’une loi permettant de dynamiser un secteur au potentiel de croissance considérable. De nombreuses troupes théâtrales, compagnies de danse et compagnies d’opéra se sont déclarées en faveur d’une telle mesure.

Nous espérons que le gouvernement fédéral donnera suite à cette recommandation, et que nous pourrons coopérer ensemble à la mise au point de ce nouveau moyen de stimulation économique qui serait avantageux à long terme pour notre pays.